« shay&asher - it used to be us against the world. »

Besoin d’air. Mais que faire ? Rentrer à Melbourne l’air de rien, le sourire aux lèvres ? Il n’avait certainement pas les moyens de se payer des vacances grand luxe comme la plupart des gens dans l’Université. Fut un temps où il avait fait partie des fils à papa, jusqu’à ce qu’il mette une fille enceinte et que tout parte en vrille. Et puis, les études de médecine c’était toujours plus long et plus dur à payer que d’autres études. Quelle idée d’avoir choisi un tel cursus. Au moins, il avait réussi ses examens et obtenu de relatives bonnes notes à son stage, il n’allait pas repiquer, mais quand bien même, il lui restait de longues années de travail et peu d’argent pour passer de bonnes vacances ! La résidence universitaire allait bientôt fermer le temps des vacances et il fallait vraiment qu’il trouve un endroit où aller… Chez lui c’était certainement le mieux, d’un point de vue budgétaire en tout cas. D’un point de vue moral, nan pas des masses. Soupirant à cette pensée, il embarqua cet énième carton de cours, pour l’emporter avec lui à travers les couloirs de la résidence universitaire. Petit rituel du Asher habituel, ranger ses cours dans un endroit bien précis, en dehors de sa chambre universitaire, sans quoi l’an prochain il n’aurait plus des masses de place pour respirer ou se livrer à une quelconque autre occupation. Premier arrêt, le boulot pour ensuite, lorsqu’il se décidera à rentrer à Melbourne, aller s’entasser avec le reste dans sa chambre désormais (en principe en tout cas) désertée. Arrivé au bas du bâtiment, il se contorsionna quelques secondes durant, farfouillant dans sa poche de toutes les manières possibles et imaginables pour finir par sortir son paquet de cigarettes, comme par magie, un vrai soulagement ! Ses nerfs étaient mis à rude épreuve en ce moment, même au boulot. Entre les fêtes des petits bourgeois qui pouvaient se permettre de louer des boîtes de nuit entières pour leurs fiestas ou encore les gens qui cherchaient tout simplement la merde à l’entrée de l’Otta, il ne chômait pas et ce soir, alors que l’heure de son service approchait il n’avait qu’une envie, trouver un prétexte pour y échapper. Alors qu’il allumait sa cigarette, il manqua de laisser tomber son carton, le rattrapant tout juste avant de se le prendre sur le pied, ce qui était pas mal un exploit. Ca aurait été pas mal douloureux de se le prendre comme ça sur le pied. Pour le reste, certes ça aurait été bien emmerdant de devoir ramasser tous ses papiers en plein milieu de la nuit, alors qu’il y avait une légère brise venue de l’océan qui rafraîchissait légèrement l’atmosphère. Pas de quoi fouetter un chat oui, mais de quoi faire voler des papiers rien que pour emmerder les gens qui avaient la mauvaise idée de ne pas bien veiller sur leurs papiers.

Se décidant donc de profiter un peu de sa réussite temporaire, Asher laissa donc son carton glisser lentement vers le sol, pour le laisser s’écraser en haut des marches de l’entrée de l’Université. Quelle magnifique compagnie pour se reposer un peu. De plus en plus ces derniers temps, il n’avait pas la tête à chercher une compagnie féminine partout où il y avait des gentilles et jolies filles. A croire qu’il avait besoin de prendre des vacances de ce côté-là aussi. C’est pas comme si les candidates pouvaient manquer. S’asseyant donc avec nonchalance au côté de son carton, il étira ses jambes de toute leur longueur, grognant légèrement alors qu’il sentait son dos le tirer douloureusement. Il avait déjà fait plusieurs aller-retour entre sa voiture et sa chambre donc logiquement, il avait droit à une pause, pour ne pas dire qu’elle était vraiment conseillée ! Inspirant une longue bouffée de nicotine à sa cigarette, il se laissa aller à observer les étoiles, que c’était romantique. Dommage que ces élans ne le prennent que lorsqu’il était seul et non pas accompagné d’une jeune femme qui ne pouvait que rêver de ça venant d’un garçon. Ouais, bof, il avait déjà été du genre romantique, avec cette fille qui était finalement tombée enceinte de lui donc finalement, le romantisme avait toujours son revers de fortune : mieux valait donc être un type sans romantisme aucun qui additionne les filles comme les slips et qui surtout, surtout, ne revient jamais vers elles si ce n’est pour leur demander si elles avaient bien pris la pilule le lendemain de leur séance copulation. Au moins, il n’avait pas ce genre de problèmes en ce moment. Alors qu’il avait de quoi profiter de la tranquillité environnante, une silhouette vint se profiler à l’horizon, signe de vie qui attira son attention alors qu’à une heure pareille, le campus était massivement déserté : les jeunes étaient soit sortis en boîte, soit dans leurs chambres comme des enfants modèles. D’autres étaient déjà partis en vacances, même. Arquant un sourcil en observant la jeune femme arriver à sa hauteur, ce n’est que lorsqu’elle fut à quelques mètres de l’entrée qu’il la reconnut. Tiens. Quelle… désagréable rencontre. Faisant mine de se lever ou du moins de le faire d’ici peu, Asher adressa un sourire ironique à la jeune femme, Shay de son prénom, mauvais souvenir de sa vie de romantique. « Je m’enlève, je voudrais pas te bloquer le passage. » Sous entendu qu’il avait visiblement toujours été un poids dans la vie de la jeune femme. Le poids qu’elle avait préféré abandonner du jour au lendemain sans rien dire. Coinçant donc sa cigarette entre ses lèvres, Asher attrapa son carton sous le bras, avant de se lever, sans la moindre difficulté, comme si la présence de la brune avait anesthésié les douleurs de son dos. Quelle chance ! Lui accordant un regard alors qu’il passait juste à côté d’elle, il se permit de s’arrêter un instant encore. « A la prochaine, si tu disparais pas encore. » C’était pas sympa d’attaquer les gens sur leurs mauvaises passes, mais qu’importe, il s’en fichait pas mal. Elle n’avait pas des masses pensé à lui quand elle s’était barrée, pourquoi devrait-il penser à elle maintenant ? Les actions à sens unique, c’était pas son genre. De toute manière, elle n’en avait plus rien à faire avec le temps, de lui, d’eux… c’était loin tout ça donc elle pouvait bien continuer son chemin malgré ce qu’il venait de lui dire. Un nouveau regard adressé dans la pénombre et il descendit les dernières marches de l’escalier, prêt à partir… en apparences du moins.

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Sans doute que si Asher avait eu une petite voix du genre de celle de Ashleigh qui le remet toujours en question, elle lui aurait murmuré (ou hurlé) au fin fond du cerveau qu’il fallait qu’il arrête de s’acharner de la sorte sur la pauvre Shay. Après tout, s’ils en étaient là où ils en étaient aujourd’hui, elle n’en était pas pour autant l’unique fautive. Il avait largement participé à son départ sans aucun doute. Certainement pas le genre de mec assez bien pour elle, pas celui qui lui donnait envie de rester, celui qui avait tendance à un peu trop loucher sur d’autres décolletés sans se demander si ça pouvait ou non complexer sa pauvre copine actuelle. Quoique, ils n’étaient déjà plus des masses en couple, alors qu’elle était partie… pour ne pas dire que leur situation avait été on ne peut plus compliquée, à cette époque là. Quand bien même, ils auraient sans doute pu surmonter cette période de vide, surmonter l’âge bête pour construire quelque chose de plus… concret, plus important. Mais non, elle était partie, sans lui demander quoique ce soit, sans même lui en parler… sans même lui laisser le moindre signe d’adieu, comme si elle s’en foutait totalement de lui, d’eux, des morceaux de couple qu’ils auraient pu recoller avec le temps. C’était sans doute pour ça qu’il lui en voulait, qu’il la détestait sans être capable de la voir disparaître de sa vie… Elle l’avait sorti de la sienne en se barrant à l’autre bout du monde, ce n’était pas pour autant qu’il avait tant grandi que ça, qu’il avait tant changé que ça, et que lui, il était prêt à faire ce grand saut. Ouais… étrange et assez déstabilisant. Si elle savait à quel point elle était la seule et unique, celle qu’il n’arrivait pas à oublier, tandis que tant d’autres étaient déjà passé par la case « son lit » sans pour autant qu’il s’en souvienne quelques jours après. Elle ne le saurait sans doute jamais. C’était trop tard, elle, elle avait tracé son chemin… lui, il avait continué sa super vie d’homme aventureux, à nouveau libéré de ses pseudo chaînes d’homme en couple. Pas une grande réussite, pas de quoi se vanter, pas de quoi s’exposer. Ridicule, définitivement ridicule. Nan, c’était dur à dire mais à part quelques amourettes par-ci par-là sans la moindre importance pour lui, il n’avait jamais réussi à tracer son chemin bien loin du souvenir de Shay. Une année interminable, bien qu’il s’attendait même à ce qu’elle ne revienne jamais à Sydney, comme si elle était finalement revenue pour quelque chose de précis, et non pas forcément parce que son stage avait touché à sa fin. Tu parles… Il fallait franchement qu’il arrête de se bercer d’illusions, ça faisait un peu bêta dans le genre et il n’aimait pas des masses, depuis leur histoire justement, passer pour un bêta. C’est sans doute pour ça, alors qu’elle arrivait à sa hauteur, qu’il opta pour la fuite. C’était son fort ça, tout comme le fort de la jeune femme visiblement. Quel duo.

Bien entendu, il ne put se retenir de dire le moindre mot, rien que pour s’assurer qu’elle aurait l’attention attirée par les signes qu’il allait lui adresser. Un genre de test qui sait, comme pour s’assurer qu’elle n’avait pas non plus entièrement passé l’éponge sur leur histoire, signe plutôt encourageant si et seulement si il voulait un tant soit peu se donner le risque d’être à nouveau blessé dans sa fierté de mâle comme il l’avait été il y a à peu près un an de cela, en découvrant que mademoiselle était partie à l’aventure. Définitivement, il n’était pas tant que ça préparé à se plonger dans une quelconque relation sérieuse… ça faisait trop de mal mine de rien, quand ça se finissait. Que ce soit avec Shay ou avec n’importe quelle autre fille de qui il pouvait se sentir proche. Même avec Robyn les choses restaient claires, limpides. Amitié, et c’est tout. Amitié et sexe étant des choses diamétralement opposées qu’il ne valait mieux pas trop mélanger, par risque de faire un mélange foireux trop près de l’amour. Perk. Plutôt éviter. Observant un instant la jeune femme à côté de laquelle il s’était arrêté, il ne se donna pas la peine de relever les yeux jusqu’à son regard, comme s’il ne voulait pas se risquer d’y voir quoique ce soit. Une lueur de bonheur alors qu’elle venait tout juste de rentrer d’un super rencard avec un mec quelconque, ou même un quelconque remord ou une pseudo honte à l’idée de se retrouver face à ce passé qu’il représentait à lui tout seul, si soudainement après son retour à Sydney. Bref. Un effort qu’il allait s’éviter et une lourde épreuve dont il allait la préserver. Ramenant sa cigarette entre ses lèvres, il s’engagea vers le parking, de quelques pas à peine avant d’être interrompu dans sa marche. Sa voix, elle n’avait absolument pas changé… du moins, elle n’avait pas changé des souvenirs qu’il gardait des paroles qu’elle avait pu avoir à son égard. Inconsciemment et bien heureusement pour lui sans quoi il se serait certainement mentalement détesté, il esquissa un léger sourire, rien qu’en se rendant finalement compte qu’elle avait été jusqu’à se donner la peine de non seulement le reconnaître, mais en plus de le retenir, alors qu’ils auraient très bien pu s’en tenir à ce faux échange de fausses politesses. Se contentant de rester dos à elle, il releva les yeux vers l’horizon tandis qu’elle parlait, avant de finir par crisper la mâchoire à ses dernières paroles. Pivotant lentement sur lui-même, il se retrouva à lui faire face. Il l’avait entendue se rapprocher de lui et il ne s’était pas leurré. Elle était bel et bien là, en bas des marches, pas très loin de lui. L’observant un instant, il finit par avoir un sourire en coin, qu’il couronna d’un haussement des épaules. « Okay… j’te crois. » Il n’allait pas remettre ses paroles en question quand elle disait que Sydney lui manquait, quand même, il n’était pas sournois à ce point et quand il s’agissait de Shay et de son air penaud, il savait rapidement s’adoucir, aussi ridicule que cela pouvait paraître. « J’pensais pas que tu reviendrais… mais… crois-le ou non, j’suis content… de te voir, même si c’est bizarre. » Baissant un instant les yeux vers son carton, il finit par le déposer à nouveau au sol, pauvre chose délaissée. Il releva le regard vers la jeune femme, enfonçant sa main libre dans la poche de son jean pour esquisser un mouvement vers elle, incapable de savoir quoi dire… « C’était… bien au moins ? » Histoire de savoir si ça valait le coup qu’elle parte aussi précipitamment de Sydney sans le dire à qui que ce soit. Ouais bon, sans le lui dire à lui en tout cas. Elle allait sans doute prendre ça pour une question piège ou un reproche caché… peut-être que c’était le cas, mais il s’était souvent posé la question. Ce qu’elle faisait, qui elle rencontrait… si elle l’oubliait. Donc bon, autant en profiter pour demander, même si ça pouvait paraître bizarre.

Durant cette année en Californie, il lui était souvent arrivé dans ses moments de solitude de penser à leur relation. S'il y avait une chose dont la jeune femme était sûre à cet instant, c'était bien qu'ils avaient eu un "nous". Quoi que nous en disions, quoi qu'eux-même en disent, ils avaient une histoire, un passé. Asher et Shay c'était une histoire vielle comme le monde que la brunette n'était finalement pas si prête à abandonner. Alors pourquoi avait-elle fui ? La peur probablement, celle qui vous saisit aux tripes vous empêche d'avancer la bonne direction, vous déstabilise jusqu'à la moelle. Mais celle-ci avait-elle simplement disparu? Non, pas véritablement. Peut être ne disparaitrait-elle même jamais. Si fuir semblait parfois la solution la plus facile, la plus envisageable. Ce n'était pas forcément une décision que nous prenions à la légère car fuir c'était tout de même toujours laisser quelqu'un derrière nous. Et c'était ce qu'avait fait, Shay. Plus d'une personne avaient dû être blessé de son départ soudain, Nirvanna pouvait l'imaginer. Cependant, que pouvait-elle y faire? Pouvaient-ils simplement décemment lui reprocher d'avoir eut un goût prononcé pour l'aventure ? Qui n'avait jamais rêvé de vivre une telle expérience?
Le regard de la belle se posa sur Asher qui venait pour la première fois de se tourner véritablement dans sa direction et de simplement poser son regard sur elle. Puis, il lui sourit d'un sourire en coin qui lui paru sincère. Instantanément, le rythme cardiaque de la jeune femme s'accéléra. Elle avait oublié à quel point, elle aimait le voir sourire de cette façon là. Alors qu'il lui lâchait avec désinvolture qu'il la croyait une légère vague de soulagement la parcouru. C'était déjà cela, après tout. Il lui avait manqué indéniablement. Alors que son regard ne le quittait pas la jeune femme l'écouta. Effectivement, c'est vrai que la scène avait un côté bizarre, presque gênant lorsque nous y repensions. Cela faisait environ un an qu'ils ne s'étaient pas vus et les voilà qui se croisaient par hasard devant l'université. Cela avait presque un côté ironique, ridicule même. Et le pire dans tout cela c'était probablement que si Nirvanna ne l'avait pas croisé ce soir-là, ils ne se seraient peut-être même jamais revus car elle n'aurait jamais eu le courage de faire le premier pas. En faite, la belle s'était déjà imaginée cette scène. Des pseudo retrouvailles mais dans tous ses scénarios, les choses ne s'étaient pas passées ainsi. Et cette sorte de gêne qui s'était installée entre eux, mettait la jeune femme d'habitude si entreprenante, bavarde quelque peu mal à l'aise. Il lui semblait que tout ce qu'elle allait dire pouvait envenimer les choses, se retourner contre elle ou simplement créer un flottement encore plus grand entre eux. Finalement, il lui demanda si c'était bien? Soudain, perdue, Shay se demanda de quoi il lui parlait. Qu'est-ce qui était bien ? Ahm. Oui, c'est vrai ses études à l'étranger. Il lui semblait à présent, qu'elles se trouvaient bien loin derrière elle. Peut être l'appelaient-elles déjà ? Son regard se détourna du jeune homme pour parcourir le parking distraitement. Il n'y avait toujours personne et la simple lumière des réverbères donnaient un côté mystérieux à l'endroit. Comme-ci le mirage de la nuit englobait le campus de sa douce obscurité. Son voyage avait-il été bien? Oui, passionnant, fascinant, amusant bien que ses amis lui avaient manqué. La jeune femme avait adoré son stage dans une entreprise hollywoodienne, cela s'était avéré très instructif bien qu'elle avait bien trop souvent servi des cafés et changé le papier dans les toilettes. Cependant, qu'était-elle censée lui répondre? Que sa vie loin de lui avait été un pur bonheur? Qu'au contraire, cela avait été d'un ennui démentiel et qu'elle n'avait pas cessé d'espérer une seule seconde de se retrouver dans ses bras? Hum... Les lèvres de la brunette se tordirent l'espace de quelques instants en cette moue indécise qui la caractérisait tant puis finalement, elle répondit : « Plutôt bien... Oui. » Rester dans le vague, c'était peut-être la meilleure solution. Ne pas montrer trop d'enthousiasme, ni pas assez. Détachant son regard du parking pour le regarder à nouveau, Shay ajouta : « ... Et toi? Qu'est-ce que tu deviens? » Soudain, la brunette se posa intérieurement une question qui l'avait taraudé inconsciemment depuis l'instant où son regard s'était posé sur lui. L'avait-il oublié définitivement? Était-il passé à autre chose ? Cela ne l'aurait absolument pas étonné. Il avait toujours été de ces hommes indépendants qui savaient rebondir très rapidement. Le fixant, la belle se dit qu'il allait faire de grandes choses, elle en était sûre et qu'elle ne serait probablement pas à ses côtés à ce moment-là. Cette seule pensée la désola. Son regard glissa jusqu'au carton à ses pieds, Nirvanna demanda alors comme pour détendre l'atmosphère -ou peut être par simple curiosité- : « Hum... Tu déménages ? »

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C’était bizarre… tout simplement bizarre. Trop bizarre pour qu’il ressente quoique ce soit d’autre dans cette situation sans doute. Ouais… Qui sait, qui pourrait un jour savoir de toute manière. Le regard rivé sur la jeune femme qui lui faisait face dans la pénombre de la nuit, Asher ne savait pas quoi dégager de cette situation, il ne savait pas comment l’interpréter. Un coup du sort ? Un coup de malchance ou tout l’inverse ? Quelle bonne question et si seulement il pouvait avoir toutes les réponses, les choses seraient bien plus simples. Pourtant, il avait beau connaître le nom de tous les os et de tous les muscles qui pouvaient composer le corps de son interlocutrice, Asher ne savait que trop bien qu’il ne la connaissait pas… qu’elle était plus imprévisible qu’il voulait bien le croire, qu’elle était plus instable que ce qu’il avait cru à une époque… et qu’elle était bien différente de la fille qu’il avait cru aimer à un certain temps dont il n’était pas particulièrement fier. Ouais, c’était pas une fierté pour lui, de devoir souffrir par amour, alors qu’il s’était toujours juré d’être le seul et unique maître de son destin à ce niveau là. Tu parles, ça lui était tombé sur la gueule comme c’était tombé sur n’importe qui et il s’était bien ramassé, pour changer. Alors oui, souvent il avait prévu de la traquer jusqu’au bout du monde pour la retrouver et lui cracher toute sa haine au visage en un poison acide, sans pour autant le faire, repoussant à chaque fois l’échéance au moindre prétexte qui se présentait devant lui. Parfois il avait juste eu envie de comprendre, sans pouvoir demander des explications à la première intéressée, qui était déjà à l’autre bout du monde en train de vivre sa vie, alors que lui il stagnait comme un abruti. Alors voilà, le temps passant il avait tourné cette page, aujourd’hui soigneusement entassée derrière des conquêtes multiples, le plus possible, sans compter et surtout sans s’arrêter, sans faire demi tour ou penser au passé. Quelle belle histoire, pour une fois que ce n’était pas la fille qui se ramassait le panneau en pleine gueule… ouais, ça faisait sacrément mal à l’ego de se sentir jeté de cette manière, un peu trop pour lui. En voyant Shay se pointer devant les marches de cet escalier de l’Université, Asher avait senti tout un tas de ressentiments de mélanger brusquement en lui. Les ressentiments, la rancœur, le plaisir qu’il avait à voir qu’elle allait bien, qu’elle avait tracé sa route… la fierté de pouvoir lui montrer qu’il n’était pas tombé en dépression et qu’il n’avait en apparences rien changé à sa vie pour elle, la mélancolie alors que trop de souvenirs se réveillaient subitement sous la lueur de son regard, ce regard qui se devinait trop facilement malgré la nuit qui planait autour d’eux. Fut un temps où il n’avait pas eu envie d’avancer sans elle, se détestant à l’idée de s’être éloigné d’elle alors qu’aujourd’hui, il l’avait tout simplement complètement perdue… parce qu’il était trop macho pour reconnaître ses sentiments. Dieu seul savait déjà si ça allait un jour ou l’autre lui servir de leçon pour une quelconque autre histoire d’amour… qu’importe, l’âme sœur semble lui être déjà passée à côté ; restait plus que la prof nympho et toutes les filles dont il n’avait au final, rien à foutre. Il aurait pu l’ignorer, lui passer à côté sans le moindre état d’âme, pour le regretter quelques minutes plus tard probablement, mais pour avoir au moins la gloire de ne pas avoir cédé à tous ces souvenirs poussiéreux qu’elle avait la mauvaise idée de ramener. Sauf que non, il avait essayé de fuir de cette manière, mais sa voix l’avait harponné, sans lui laisser une chance de trouver une quelconque porte de sortie, aucune issue de secours dont il aurait eu cruellement besoin.

Il restait donc là, immobile sous la pénombre soudaine à l’écart des lampadaires qui éclairaient l’entrée, son carton dans les bras, sa cigarette en bouche, tout un cliché du type qui avait perdu quelque chose mais qui n’avait aucune envie de le reconnaître. Il avait perdu plus que Shay dans sa vie à force d’être con, c’était comme ça, il n’avait pas encore appris à être autrement avec qui que ce soit. Est-ce qu’il la croyait vraiment quand elle disait qu’il lui avait manquée ? Aucune idée… c’était trop frais pour le moment. Sans doute qu’il allait ressasser ces mots-ci pendant des heures, des jours pour savoir si oui ou non, il avait vraiment l’impression qu’il puisse y avoir un soupçon de vrai dans ces paroles. Mais ce n’était pas parce qu’elle se livrait à un couplet romantique sur combien elle avait pu regretter ce qu’elle avait fait qu’il allait en faire autant. Elle allait vite apprendre qu’en une année, Asher avait appris à se fermer comme une huître quand il s’agissait de ses sentiments, ou même de ses états d’âme… il était rare que tout explose au grand jour, aux yeux de tous et fierté nouvelle oblige, il serait sans doute encore plus rare que tout ça explose aux yeux de Shay… Elle avait définitivement perdu ce truc qui les faisait eux, qui le rendait si amoureux d’elle… qui la rendait si extraordinaire… ou elle y avait renoncé, il avait fini par le laisser mourir dans un coin de sa tête. Tout était ordinaire maintenant, tout était enterré, délité… perdu et il n’avait aucunement envie de se replonger dans ce passé brumeux pour retrouver ce qui ne semblait pas en valoir la peine. Que dire de plus que de vagues paroles pour montrer qu’elle n’avait pas besoin de s’étendre en plus de paroles, qu’il la croyait… ou que du moins, il disait ça pour ne pas qu’elle cherche à démontrer la véracité de ses paroles avec une preuve quelconque… Il n’avait pas envie de s’abaisser à ça ; pas avec elle… cette histoire entre eux ne l’avait que trop fatigué pour qu’il ait bien envie de ne pas rendre leurs retrouvailles complexes et plus étranges qu’elles ne l’étaient déjà. Ca n’en valait pas la peine… ou il n’avait pas envie que ça en vaille la peine. Elle répondit d’ailleurs vaguement, à la question la plus simple du monde. Lui qui avait tenté par un quelconque effort surhumain de savoir ce qu’elle avait pu faire… si elle avait au moins pu vivre quelque chose de bien pour avoir renoncé à tout ce qu’ils – mine de rien – avaient pu avoir tous les deux. Contrit, il pinça légèrement les lèvres, avant de hocher la tête, sans réellement prendre cette réponse en considération. C’était vague, distant… mort. Il préférerait presque que la discussion ne s’attarde pas plus. D’ailleurs, il relevait les yeux vers elle, incapable de trouver une autre belle parole d’apparat pour prolonger cette torture qu’il s’infligeait, si bien qu’il allait esquisser un mouvement vers son carton lorsqu’elle prit la parole. Enfonçant à nouveau ses mains dans ses poches, il haussa les épaules comme première réponse, avant de parler aussi. « C’était… une année plutôt bien aussi… » Tout cela, dit avec un brin d’amertume, comme pour lui renvoyer sa réplique sans plus de cérémonie. Il ramassa son carton, n’accordant plus un seul regard à Shay, espérant presque qu’ils en restent là, alors qu’une infime partie de son esprit ou de lui en tout cas, espérait avoir plus de cette entrevue dénuée de toute émotion. Il releva tout juste les yeux pour voir son regard sombre se poser sur le carton qu’il avait en main, et la question qui suivait déjà. « J’ai trouvé un appart’… ma sœur vient faire ses études à Sydney alors, ce sera plus simple… » Il avait l’impression de déjà trop en dire, si bien qu’un quelconque instinct de survie l’amena à se décider à prendre la fuite. « J’devrais y aller d’ailleurs… » Et voilà qu’une partie de lui était soulagée de pouvoir couper court à une entrevue pareille, tandis que l’autre avait l’amer sentiment que c’était la seule et unique fois qu’il pourrait retrouver quoique ce soit avec Shay… mais pour cela, il faudrait déjà qu’ils en aient envie.

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